« Selon les « éléments de langage » (expression branchée pour dire propagande) du gouvernement, les grèves de cette fin d’année dans les transports, l’enseignement, les universités, les hôpitaux, la radio publique, parmi les policiers, etc., seraient menées par des privilégiés qui défendent leurs régimes spéciaux de retraite. Vieille tactique de division.
S’il est vrai que le droit de grève est mieux respecté dans les services publics — c’est aussi pour cela que les pouvoirs successifs s’acharnent à les démanteler —, la réforme des retraites concerne toute la population, salariés et chômeurs, et tous verront leur pension réduite — sauf les très, très, très gros salaires. La propagande n’a guère emporté la conviction. Et le mécontentement des couches populaires et moyennes, comme l’a montré la mobilisation des « gilets jaunes », est si profond que l’approbation ou le soutien à la grève l’emportent sur sa condamnation.
Pour faire passer la nécessité « incontournable » de la réforme, un énième rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) est tombé à pic le 21 novembre, qui conclut à un déficit d’ici à 2025 (0,7 point du produit intérieur brut). En réalité, le déficit est créé essentiellement par la non-compensation des exonérations de cotisations sociales par l’État (pour la première fois depuis la loi Veil de 1994), la forte baisse de la masse salariale (et donc des effectifs) de la fonction publique et quelques tours de passe-passe financiers. Le déficit « disparaît pratiquement si une autre convention comptable est adoptée », note et démontre Henri Sterdyniak.
M .Emmanuel Macron et ses porte-voix veulent gagner du temps en imposant tout de suite un recul de l’âge de départ à la retraite (devenu par le miracle de la novlangue l’« âge pivot » ou l’« âge d’équilibre »…) pour pouvoir mener leur grand-œuvre : supprimer la retraite par répartition (nettement plus solidaire, même si elle est imparfaite) pour aller vers la retraite à points que réclament en chœur le patronat, la Commission européenne, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et — on peut le regretter — le patron de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), M. Laurent Berger… »
Lire la suite ici de l’article de Martine Bulard : https://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2019-12-04-Retraites-le-point-de-non-retour